Un peu de littérature poétique, tiens...

dimanche 10 mai 2015

Je suppose que vous avez tous lu le projet académique 2012-2017, n’est-ce pas.
(je termine cette question par un simple point, car la question ne se pose même pas …)
Et bien puisque tel est le cas, faisons-nous le même constat ? Voici en tout cas le
mien :
Dès l’intro, on évolue en pleine poésie onirique, avec des termes relevant du monde
idéal, parfaitement rôdés quant à leur puissance incantatoire, en commençant par :
- « accompagner chaque élève dans sa construction individuelle et
collective » ( ne croirait-on pas le poème de Ronsard, où il prend
virtuellement la main de sa mie en lui prodiguant un « Mignonne, allons voir
… », à moins que vos références soient plus contemporaines et vous
renvoient au « Prendre un enfant par la main, … » d’un Yves Duteil en mal
d’inspiration).
- la « bienveillance nécessaire » relève du même rêve : celui d’un enfant
doux, car l’adulte accompagnant est doux. Bienvenue au pays des moutons
tous mignons du Petit Prince.
Que quasiment plus personne ne veuille enseigner dans certains
établissements et autres écoles, si ce n’est à reculons et après avoir passé
une nuit à pleurer et cauchemarder, cela n’émouvra en aucun cas ce
fantastique rédacteur placé dans le plus parfait état de béatitude qui soit
grâce à la magie incantatoire de mots ennoblis par toute une race de sortants
de nos plus Grandes Ecoles.
- « La mise en oeuvre d’une formation initiale
rénovée et performante des enseignants montre une voie où cheminent
tous les acteurs et partenaires du système éducatif. » Encore une fois,
on nous envoie balader (pardon : cheminer).
- « La progression inégale des résultats aux examens, même avec une
belle hausse de ceux du baccalauréat … » On tombe maintenant dans le
fabliau (texte destiné notamment à faire rire, à distraire et, accessoirement, à
délivrer une morale) :
a) ce qui distrait ici a d’ailleurs toujours eu ce pouvoir si on se réfère au
nombre de fois où ce thème de la hausse de reçus au bac a été utilisé,
voire usiné par des maîtres d’oeuvre tous plus émérites les uns que les
autres : n’y a-t-on pas droit, en effet, chaque année depuis la grande Loi
d’orientation de 1989 de la Jospine ? Ces poètes, qui sont l’antithèse
même de ceux du « Cercle des poètes disparus », useraient-ils du même
stratagème, indéfiniment, année après année, si celui-ci ne se trouvait pas
régénéré par lui-même tel le Phénix à chaque rentrée, ou plutôt recréé
grâce à cette hallucinante capacité d’oubli du boeuf moyen (pardon, du
beauf moyen) qui décore avec tant de grâce nos villes et orne avec tant de
charme nos campagnes françaises ?
b) ceux que cela fait rire sont les initiés, en nombre toujours croissant, de
« professionnels » ayant reçu les directives encore et toujours répétées
depuis plus de 25 ans : « Cette année, il nous faut une augmentation de
2% minimum de reçus, 3% seraient encore mieux ! ». Et les correcteurs de
s’arracher les cheveux pour trouver quelque intérêt à toutes ces copies
vides, mornes, dénuées de quelque intérêt que ce soit, afin de leur
attribuer une note salvatrice. Ils sont même obligés, pour ce faire, de se
rencontrer, nos pauvres correcteurs, pour savoir si c’est leur copie n° 18
qui est la plus nulle, ou si c’est la n° 27 du collègue qui devra rester en
dessous de la pile. Si c’est celle du collègue, pas de bol, c’est que la n°18
doit quand même bien présenter un tout petit intérêt, voyons, en se
creusant bien la tête … ah oui, peut-être ça : en voulant citer Karl Marx, il a
certes mal orthographié le nom (Karl Max), et s’est même trompé de
siècle, mais au moins il a su (ac)coucher (d’)une citation dans un devoir de
… deux pages.
c) et la morale ? Elle est pourtant claire non ?
d) Et là, quand la poésie des chiffres s’en mêlent, il n’y a plus qu’à rester
muet de contemplation et d’extase quasi mystique, tels ces chiffres que
l’on nous assène sur ces milliards de galaxies qui nous entourent, qui
tourbillonnent et nous font littéralement tourner la tête.
Aahhh … pouvoir évocateur, transcendant, de la seule vraie poétique :
celle d’un budget encore et toujours plus serré, on vous serre encore et
toujours plus les couilles, et vous ouvrez d’autant plus la bouche, béats
que vous êtes !
- « la nécessité d’accroître nettement la poursuite d’études
dans l’enseignement supérieur » va dans le même sens, nous entrons donc
dans une litanie incantatoire, renforcée par un inexorable
- « il est impératif de susciter davantage d’ambition des élèves »
C’est la valse des mots, Chopin n’est pas loin, la poésie n’est-elle pas d’abord
musique, une valse qui vous entraîne, vous enivre, qui va et vient jusqu’à
l’étourdissement, avec ses mots toujours là, reconnaissants d’être écoutés,
existants car lus mais bon sang que deviendrait-ils justement s’ils n’étaient
pas lus ? Existeraient-ils encore ? Pourquoi pas un autodafé de tous ces
textes ? L’aboutissement de toute une réflexion, de toute une vie : les voir
partir ainsi en fumée pour savoir, tiens, justement, s’ils renaissent de leurs
cendres, tous ces beaux mots, tel le Phénix évoqué plus haut. Chiche, un
autodafé en place publique, on essaie ?
Plus il y a de reçus au Bac, plus il y aura d’étudiants inscrits dans
les universités, et moins il y aura d’inscrits au chômage.


Navigation

Articles de la rubrique

  • Un peu de littérature poétique, tiens...

Agenda

<<

2024

 

<<

Avril

 

Aujourd’hui

LuMaMeJeVeSaDi
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
2930     
Aucun évènement à venir d’ici la fin du mois

Annonces

Réforme collège


Rythmes scolaires