Déclaration de SUD éducation au Conseil Supérieur de l’éducation du 12 mars 2015

samedi 11 avril 2015

Madame la ministre,

Mesdames et Messieurs les membres du CSE,

En exergue à notre Déclaration, nous souhaitons, à quelques jours de la journée internationale pour les droits des femmes, rappeler que de nombreuses inégalités subsistent dans la Fonction publique et l’éducation nationale : on ne revient pas ici sur les reculs de la lutte contre les discriminations avec abandon des ABCD mais on veut souligner l’importance des inégalités dans la carrière et le traitement. Dans la fonction publique, les femmes sont payées 18% de moins que les hommes. Chez les enseignant-e-s, l’écart est de 13%, soit 4 000 euros de moins par an (bilan social du ministère de l’éducation, 2014).

Les causes sont connues. Les enseignantes sont avant tout professeures des écoles (82% des effectifs) moins bien rémunérées que les professeurs du secondaire : les PE gagnent 5000 euros de moins par an que les certifié-e-s. Chez les agentes (source MEN, 2014), les inégalités se retrouvent aussi. Les femmes sont le plus souvent celles qui se sacrifient pour élever les enfants, dans une profession où le nombre d’enfants par femme est parmi les plus élevés : elles font le « choix » plus que les hommes de demander des temps partiels. Enfin, en cas de congé maternité ou parental, la note administrative est gelée, pénalisant l’avancement des femmes.

Pour corriger cette dernière injustice, il est une mesure simple à prendre pour la notation des personnels en congé maternité, parental, etc. Il faut qu’au lieu d’être gelée, la note évolue selon la progression usuelle. Au nom de la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes, nous vous demandons, Madame la ministre de prendre cette mesure, qui corrigerait, en partie, les écarts salariaux.

Concernant l’ordre du jour et les thèmes de la séance, si le collège est bien le « maillon faible » de notre système éducatif comme on l’entend parfois, comme vous l’avez vous-même exprimé, la principale question qui se pose est bien celle de la réduction des inégalités, de la réussite des élèves, en particulier des plus fragiles et des plus précarisé-e-s. En l’état actuel, sur la base de vos déclarations, nous ne croyons pas que votre réforme permette d’atteindre ces objectifs. Nous craignons de surcroît qu’elle ne soit porteuse de reculs.

La réforme repose sur quelques axes majeurs.

Une deuxième langue vivante dès la 5e : soit, mais le ministère ne souhaitant pas alourdir le volume horaire hebdomadaire des collégiens, comment vont se faire les ajustements ? Si les horaires de LV n’étaient pas maintenus, on peut douter de l’efficacité du dispositif.

Les autres mesures sont pilotées par le conseil pédagogique : les EPI, « enseignements pratiques interdisciplinaires » en petits groupes dès la 5e (2 thèmes d’études choisis parmi les 8 proposés par le ministère à raison de 2 heures par semaine et reposant sur des projets), ou encore le renforcement des « savoirs fondamentaux » en petits groupes grâce à des dédoublements prévus sur 4 à 5 heures par semaine.

Un accompagnement personnalisé : prévu sur 3 heures en sixième, 1 heure dans le cycle IV (cinquième à troisième), c’est la mise en œuvre des dispositifs issus de la réforme des lycées de la droite, dont on attend toujours un bilan.

Volonté de prendre en compte la vie au collège : développer un média, fixer au minimum à 90 minutes le temps de pause méridienne, créer des conseils de la vie collégienne, impliquer davantage les parents.

Madame la ministre, vous avez beau réaffirmer votre attachement au collège unique, Pour SUD éducation, ces me-sures croyons-nous, le mettent fondamentalement en cause.

L’octroi d’une marge de manœuvre d’au moins 20% de la dotation permettant de mettre en place des parcours différenciés en constitue un risque évident. Le saucissonnage des enseignements est généralisé. L’enseignement inter-disciplinaire peut constituer un outil précieux, mais la réforme va mettre à mal les disciplines : comme le temps scolaire hebdomadaire des élèves ne saurait augmenter, la réforme va se traduire par des baisses des volumes horaires des disciplines. En LV, on peut s’attendre à un effet de saupoudrage, avec une langue supplémentaire mais pas de changement des volumes horaires.

La part de décision laissée au conseil pédagogique, qui va déterminer quelles disciplines vont bénéficier d’un renforcement par le biais d’un enseignement en petits groupes, ou encore celles concernées par les parcours des EPI, est inacceptable. L’autonomie va correspondre à un renforce-ment de la hiérarchie, le conseil pédagogique risque bien de devenir cet échelon hiérarchique que nous avons toujours condamné. En somme, pour le dire en terme politique, la gauche parachève une réforme de la droite.

Enfin, les contraintes budgétaires dans lesquelles s’inscrit la réforme permettent de douter des effets positifs que l’on pourrait attendre de quelques-uns de ses aspects : permettront-elles de constituer suffisamment de petits groupes afin d’offrir de meilleures conditions d’apprentissage ? Nous ne le croyons pas. Les 4000 créations de postes dévolues à la réforme ne seront pas suffisantes.

En définitive, cette réforme ne permettra pas de lutter efficacement contre l’échec et les inégalités scolaires. Elle ne répond pas aux besoins des personnels qui permettraient vraiment d’améliorer les conditions d’apprentissage : réduction des effectifs, temps de concertation dans le temps de service, formation renforcée, etc.

Le collège unique a beau continuer d’être proclamé, il n’en est pas moins bafoué sur l’autel de l’autonomie. Les disciplines sont mises en cause, la modularité permet de douter d’un enseignement unique pour l’ensemble des collégiens. La réforme met aussi en cause les statuts. Les EPI portent un risque d’annualisation des services puisque les élèves devront choisir 2 thèmes dans l’année. On pense aussi aux tentatives du ministère pour tenter d’augmenter les temps de services et alourdir notre charge de travail.

Augmenter notre temps de travail puisqu’en effet, le ministère a produit un projet de circulaire d’application du décret du 20 août 2014 sur les obligations de services des enseignants stipulant que les enseignant-e-s pourront désormais être contraint-e-s d’effectuer jusque 1,5 heures supplémentaires ! C’est scandaleux, ce serait une régression majeure, une attaque frontale contre nos conditions de travail. C’est illégal, puisque contraire au décret que cette circulaire est supposée appliquer. C’est contraire à tous les engagements du ministère lors des discussions sur les nouveaux textes statutaires.

Alourdir notre charge de travail, car les craintes selon les-quelles la reconnaissance des multiples missions du décret sur les nouveaux statuts entraînerait un ajout des missions et une augmentation de la charge de travail se concrétisent. Par cette circulaire le ministère tente de nous imposer plus de travail qu’avant sans aucune compensation.

Un certain nombre de missions « liées directement au service d’enseignement dont elles sont le prolongement » sont ajoutées, sans aucune compensation prévue, puisque « l’enseignant perçoit, au titre de l’exercice de ces missions, sa rémunération indiciaire et l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE) ». Dans ce cadre entrent un certain nombre de missions qui existaient déjà : réunions d’équipes, conseils de classe, les réunions parents professeurs. Mais à celles-ci s’ajoutent les conseils pédagogiques, l’organisation des épreuves blanches, les réunions du conseil école-collège, les heures de vie de classe (coordonnées par les professeurs principaux...)

La réforme du collège est aussi en lien avec le nouveau socle, dit de connaissances, de compétences et de culture. Nous prenons acte que cette nouvelle version évacue le LPC, auquel nous nous étions fortement opposé-e-s, et intègre désormais la culture, dont l’absence était inacceptable.

Mais le maintien, avec les connaissances, des compétences continue de poser problème ; la fin de l’annexe indique qu’elles ne sont pas en opposition, et définit ainsi les compétences : « aptitude à mobiliser ses connaissances et capacités pour accomplir ou traiter une situation qui nécessite la combinaison de ressources diverses ». Plus loin p. 12 à propos du domaine 5, la définition semble plus modeste : il s’agit de « poser des questions » et de « chercher des réponses » en « mobilis(ant) des connaissances », et suivent toute une série d’objectifs de connaissances diverses et plus ou moins vagues. Si l’on en revient à cette banale et évidente vérité que les questions permettent d’aboutir à des con-naissances, qui à leur tour suscitent de nouvelle questions, est-il bien nécessaire de continuer à s’accrocher à cette notion de compétences ? Outre qu’elles ressemblent fortement à un truisme, l’absence de toute considération sur les modalités d’évaluation nous semblent en parfaite contradiction avec cette définition, voire dangereuse. Ce texte ne permettrait-il pas, dans un avenir proche ou pas, le retour d’un LPC sous une forme ou une autre ? Il faut selon nous en finir avec les compétences dans le contexte scolaire.

L’ignorance où nous sommes encore à ce jour des pro-grammes pose aussi problème, le texte en est réduit à dessiner le portrait d’un élève "idéal", déconnecté de toute progression réelle, si bien que ce texte ne constitue ni un socle en réalité, ni un objectif réaliste, ce qui montre bien que la nature du texte demeure confuse : s’agit-il d’un socle, ou d’un programme des programmes ? Nous soulignons enfin que si cet élève « idéal » devait se traduire dans la réalité, cela supposerait des moyens considérables, or, on le voit avec le périmètre réduit de l’éducation prioritaire et ses errements, nous en sommes toujours très loin. Pour le dire autrement, en quoi ce texte permettra de faire progresser les élèves, de résoudre les difficultés et surtout les inégalités scolaires ?

Nous considérons enfin que le domaine 3, "la formation de la personne et du citoyen" pose de graves problèmes parce qu’il est extrêmement prescriptif et pourrait ouvrir sur la possibilité de procéder à des évaluations comportementales. L’objet de l’éducation ne saurait consister à imposer des normes poli-tiques, morales, ni à obliger à dévoiler une sensibilité, comme on peut par exemple le lire à la page 8. On peut souhaiter que des élèves puissent s’engagent dans la société, et considérer que l’école doit les armer pour cela, mais on ne saurait aller plus loin, car plus loin, c’est la liberté de chacun. Cette limite n’est pas clairement marquée dans le texte.

La fédération SUD éducation alerte les personnels sur les dangers des projets de réforme du collège, des statuts et du nouveau socle. Il faut se préparer à la mobilisation pour refuser les attaques annoncées et imposer des alternatives pour les élèves, les personnels, et le service public, pour une école égalitaire et émancipatrice.



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