Encore nouveau plan numérique...

Ce n-ième plan numérique n’est rien d’autre qu’une nouvelle campagne de communication politique et un moyen de déverser des centaines de millions d’euros par an (!) dans l’achat de tablettes et d’outils pédagogiques aux industriels.

Ceci dit l’objectif de ce grand plan numérique ne se résume pas à cela et d’ailleurs la ministre du MENESR l’explique bien dans l’édito de la présentation de la réforme "Collège 2016" :

Les élèves utiliseront régulièrement l’informatique et connaîtront les principes de base du codage. [1]
[...] Il (l’élève) connaîtra les langages simples de programmation informatique. [2]

Voici la nouvelle lubie des politiques ou des hauts fonctionnaires de l’EN : l’apprentissage du codage informatique. [3] Ainsi, en plus de la réforme « Collège 2016 » et l’introduction d’enseignements pratiques interdisciplinaires sur les horaires disciplinaires, il nous faudra donc aussi gérer ce nouvel apprentissage du codage informatique !

Erreur de paradigme

Or, en tant que professionnels de l’éducation, nous sommes bien placés pour savoir que les élèves ont avant tout besoin de maîtriser tous les aspects de la lecture et de l’écriture. D’ailleurs nous nous en rendons tous compte lorsque les élèves éprouvent des difficultés de compréhension des énoncés dans le cadre des apprentissages d’une autre discipline que le Français. Ensuite seulement, pourrions-nous introduire des notions d’informatique, mais cela ne sera intéressant que si cette discipline est enseignée par des professeurs d’informatique.

Cependant l’EN ne souhaite pas créer un CAPES ou une Agrégation d’informatique contrairement à la recommandation du CNNum (pdf) :

Il est question d’enseigner la pensée informatique pour mieux comprendre le monde numérique qui nous entoure et être pleinement un citoyen actif dans la société ; mais aussi de profiter de l’enseignement de l’informatique pour introduire de nouveaux modes d’apprentissage à travers des expériences, en mode projet, par essai-erreur. La condition est la formation d’un corps d’enseignants en informatique par la création d’un Capes et d’une Agrégation d’informatique.

Et même en supposant que des informaticiens soient recrutés via de tels concours, comment pourrions-nous imaginer que ces personnes acceptent d’être payés 1600€ net en début de carrière après un BAC+5 (Master) et un concours sélectif...?

La prophétie

Nous allons donc nous retrouver dans la situation suivante :

1. Simulacre de concertation en janvier-février 2015 ; rien de nouveau sous le soleil, les professeurs connaissent bien la tactique de l’EN pour imposer sa politique. [4]
   
2. Communication nationale du Président de la République pour annoncer son merveilleux plan numérique. [5]
3. Tablettes et logiciels : le détournement du budget de l’EN
   • Des centaines de millions d’euros par an prélevés sur le budget de l’EN [6] pour financer l’achat de tablettes, etc... et le développement de contenus.
     En juillet 2014, le ministre de l’Éducation nationale a annoncé l’équipement de tous les élèves de France : « Nous équiperons 70 % des élèves du primaire et de collège et 100 % des enseignants à l’horizon 2020 en PC-tablettes dotés de ressources pédagogiques numériques. » dans le cadre d’un grand plan pour le numé­rique à l’école. Quel est le coût de ce plan numérique ? 700 mil­lions d’euros prélevés sur le budget de l’EN ! [7]
     Ah tous ces outils ont un tel potentiel pour faire progresser les élèves... mais quid des effets néfastes ? Même pas une heure par jour devant un écran diminue les capacités cognitives d’un enfant !
     En effet voici une vidéo que tout le monde devrait regarder en particulier les parents et la ministre du MENESR..
     
   • Mais au fait, tous ces "outils pédagogiques" utiliseront-ils des logiciels libres et formats ouverts ? Réponse : Non. Merci à Peillon qui avait plié face aux industriels en 2013.
     
4. Une fois les tablettes & Co livrées, nous nous rendrons rapidement compte que la gestion de ce parc de tablettes, en particulier le bridage et le bon fonctionnement des logiciels pédagogiques, sera un échec car les moyens de gestion ne seront pas suffisants [8] et que dans ces conditions cette gestion relèvera de la quadrature du cercle.
5. Au delà de l’échec de gestion de ce gigantesque parc de tablettes, le MENESR devra se résigner à admettre l’échec pédagogique de cet investissement. J’oserais même vous affirmer que le MENESR est d’ores et déjà conscient de l’échec annoncé de son grand plan pour le numé­rique à l’école.
   En effet, le Conseil Général de Corrèze a distribué des dizaines de milliers de tablettes depuis environ 15 ans pour une dépense de plus de quatre millions par an pour sa politique TICE intitulée Ordicollège. [9] Et bien voici les résultats de cette expérience détaillés dans un rapport de l’Inspection générale (pdf) : treize ans après les progrès scolaires se font toujours attendre dans le département.
   Ainsi d’après les inspecteurs tous les acteurs sont très heureux d’avoir reçu des tablettes ; cependant :

   Le bilan est beaucoup plus nuancé [10] en ce qui concerne les usages pédagogiques aussi bien dans l’établissement qu’à l’extérieur. La mission d’inspection générale en a recherché les causes ; elles sont multiples et relèvent de la responsabilité de tous les acteurs : collectivité territoriale, autorité académique, établissements, enseignants, éditeurs. Il était sans doute inévitable que les questions matérielles et logistiques soient les plus urgentes à régler dans la mise en œuvre d’un plan de dotation d’une telle ampleur et que les moyens pour faire face à la montée en charge de tous les niveaux du collège aient été dans les débuts de l’opération sous-dimensionnés.

   Conclusion du MENESR en 2015 : il faut poursuive cette expérience et même la généraliser au niveau national ! [11]

6. Enfin, dans 5 ans ou 10 ans, après le constat définitif de l’échec de ce plan, les boucs émissaires seront bien sûr les enseignants pas ou peu formés. À ce moment il sera grand temps de lancer un nouveau plan numérique pour détourner l’attention sur ce constat d’échec et aussi pour le plus grand plaisir des industriels.

L’aveuglement du MENESR face à certains problèmes de l’école

Et pendant ce temps :

• des élèves ne savent toujours pas lire et écrire correctement en fin de 3ème [12] ;

• certains établissements ne possèdent qu’une salle informatique composée de 20-25 PC obslètes tournant sous un système d’exploitation dépassé avec des logiciels non mis à jour depuis 3 voire 5 ans ;

• tout le parc informatique d’un établissement (réseau, pc de l’administration, de toutes les salles de cours, de la/les salles(s) info) est géré par un professeur qui possède 1 à 3 heures de décharges par semaine ; décharges très insuffisantes !

• last but not least la formation continue des enseignants est quasi nulle d’un point de vue quantitatif mais aussi qualitatif...

And this my dear is why things will never change.