Nouveaux programmes pour la maternelle : des intentions contredites par les politiques réelles du ministère

mardi 31 mars 2015

Déclaration de SUD éducation au Conseil Supérieur de l’Éducation du 5 février 2015.

Alors que ce CSE est consacré, pour une large part, aux nouveaux programmes de maternelle, où il est question de la mise en oeuvre des apprentissages, dans un cadre bienveillant à l’égard des enfants et de leur famille, nous sommes atterré-e-s par les onze mesures pour l’école qui ont été annoncées, suite aux assassinats de Charlie hebdo et de l’hyper casher, et qui s’inscrivent en totale contradiction avec les déclarations d’intention affichées par ces nouveaux programmes.
Par ces onze mesures, le gouvernement charge l’école publique d’une responsabilité écrasante qui occulte celle des autres facteurs politiques et sociaux intervenant dans la situation actuelle ; du chômage à la stigmatisation de certaines populations, de la politique de la ville aux cadeaux au patronat, de la réduction des services publics à celle du tissu associatif et des mouvements d’éducation populaires, des alliances atlantistes aux politiques impérialistes.
Ce n’est pas en imposant à l’école, un formatage aussi vain que peu démocratique par des « rituels » stéréotypés d’un autre âge, qu’elle va pouvoir lutter contre tous les fanatismes religieux ou nationalistes.
D’un côté, on préconise un « dialogue régulier et constructif avec les parents pour le bien être des enfants » dans le cadre d’une école qui leur fait confiance, de l’autre on dévoie la laïcité pour légitimer le développement d’un arsenal de mesures normatives et répressives visant à définir un « comportement citoyen » imposé à tous les niveaux.
Alors que l’école est censée, dès la maternelle, permettre à chacun, dans le cadre de l’apprentissage du langage oral, de « pouvoir dire, exprimer un avis ou un besoin, questionner… », les demandes de faire remonter des propos d’élèves et de familles, en les signalant, sont totalement inacceptables.

Nous trouvons totalement ahurissant qu’un enfant de huit ans se retrouve convoqué et entendu par la police pour apologie du terrorisme au titre de propos tenus en classe.

Ce n’est pas en affichant une soit disant tolérance zéro, en demandant de « signaler » les enfants, en refusant les questions, les interrogations même fantasmatiques de certain-es élèves, qu’on combattra l’obscurantisme à l’école, mais bien en écoutant tous les élèves et en leur apportant des réponses pédagogiques.
Les réponses de l’école pour lutter contre le tri social et les déterminismes sociaux doivent être des mesures en faveur de la protection des enfants et non de la détection de comportements supposés potentiellement criminogènes.
L’école a besoin d’enseignant-e-s en confiance dans l’exercice de leur métier, avec une vraie liberté pédagogique, à l’inverse du processus d’embrigadement engagé depuis les attentats et qui conduit à sanctionner des enseignant-e-s pour des choix pédagogiques légitimes, comme c’est le cas pour notre collègue de Philosophie de Poitiers, dont nous demandons la réintégration immédiate.
Il faut donner à l’école, les moyens en nombre suffisant dont elle a besoin avec des contenus d’apprentissages qui permettent aux enfants de les construire, avec les sources de savoir validées, dans le cadre de dispositifs pédagogiques adaptés à leur âge.
Dans ce cadre, nous notons, dans les nouveaux programmes de maternelle, présentés à ce CSE, l’affirmation d’une volonté manifeste de restituer sa spécificité à l’école maternelle, et de prendre encompte la spécificité de petite enfance dans le respect du développement cognitif, affectif et moteur de l’enfant avec des modalités d’apprentissages adaptées.
Les propositions nous semblent proches du terrain, avec des outils pédagogiques pour les enseignant-es, une bienveillance notable pour les enfants, une volonté de prendre en compte les enfants et leurs familles dans leur diversité.

Reste pour nous l’essentiel : quelle volonté politique et quels moyens pour la mise en oeuvre de ces nouveaux programmes ?

Quelle sécurité affective, quelles relations privilégiées, quelle individualisation des regards dans des locaux exigüs, en nombre insuffisant et inadaptés, avec des effectifs qui dépassent dans certains endroits les 30 élèves par classe ?
Où est la bienveillance de l’école à l’égard des enfants et de leur famille les plus précarisés :
- Quand des communes en interdisent l’accès en refusant d’y inscrire les enfants roms ou les enfants dont les familles sont hébergées par d’autres ?
- Quand les moyens dédiés au système d’interprétariat public gratuit pour les familles allophones sont sans cesse remis en cause,
- Quand l’école discrimine, en refusant l’accompagnement des sorties scolaires aux mères voilées.
Quelles garanties de progrès et réussite pour tous les élèves quand la seule vocation des RASED est réduite à la détection des difficultés scolaires et non à leur prévention et à leur remédiation ?
Où sont les psychologues, les infirmières et les médecins scolaires ?
Quelle égalité à l’école, quand on constate les disparités, selon les territoires et les communes, dans les moyens humains et matériels alloués aux écoles, l’inégalité d’accès à la culture, le sous- équipement en matériel numérique, la mise en oeuvre des rythmes scolaires… ?
Quelle égalité à l’école, quand l’institution n’est pas capable sur l’ensemble du territoire de créer des postes en nombre suffisant pour mettre un-e enseignant-e titulaire et formé-e devant chaque classe à la rentrée et assurer les remplacements au quotidien ?
Quel travail en équipe et quelle mise en oeuvre de projets avec des temps de concertation insuffisants ?
Quelle continuité entre les temps scolaires et périscolaires sans temps de concertation spécifiquement dédié pour cela ?
Quels moyens pour la formation initiale et continue des enseignant-es à ces nouveaux programmes ?
Ce ne sont pas en quelques clics avec des ressources mises en ligne sur éduscol ou les soit disant formations dispensées via M@gistère qui permettront aux enseignant-es de les appréhender.
Ces nouveaux programmes répondent à une véritable nécessité, ils ne resteront cependant que des déclarations d’intention sans une réponse aux nécessités et aux besoins de l’école avec :
• La réduction du nombre d’élèves par classes
• Des enseignant-es formé-es en nombre suffisant
• Des RASED partout, en nombre suffisant avec des départs en formation
• Des médecins scolaires, des assistant-es sociaux, des éducateurs-trices
• Des ATSEM dans chaque classe de maternelle sur l’intégralité du temps scolaire
• Du temps pour le travail en équipe
• L’accueil de tous les enfants et de leurs familles, qui est une obligation légale, en donnant aux parents non francophones les moyens de comprendre l’école et ses objectifs (interprètes,…)
• La garantie de l’égalité de traitement pour les élèves sur tout le territoire
Sans réelle volonté politique et sans les moyens matériels et humains nécessaires, l’école continuera d’organiser, reproduire, et légitimer les inégalités scolaires et sociales.


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